René ClémentRéalisateur français16 films répertoriés
Décès 17/03/1996 |
BIOGRAPHIE
Le goût de l’image, René Clément le cultive dès sa plus tendre enfance. Nourri d’illustrations projetées à l’âge de 4 ans, il "travaille" la pellicule à 9 et hante le cinéma de la Huchette à 15. C’est dans le sillage de son père, le décorateur Maurice Clément, que le jeune garçon entreprend des études d’architecture et réalise son premier film, un dessin animé dynamique intitulé César chez les Gaulois (1931). Après la mort de ce dernier, René Clément abandonne ses études et se retrouve affecté au Service Cinématographique de l’armée. S’il tente une première incursion dans le burlesque aux côtés de son ami Jacques Tati (Soigne ton gauche en 1936), c’est par le biais du documentaire qu’il s’affirme dans le milieu du cinéma : séduit par son brillant court métrage Ceux du rail, le Comité de Libération du Cinéma lui confie en 1942 la réalisation de sa version longue. Film néoréaliste, reflet de l’état d’esprit qui domine l’après-guerre, La Bataille du rail met finement en scène la résistance des cheminots pendant l’Occupation allemande, valant à son auteur le prix du jury au Festival de Cannes de 1946. La même année sont présentés sur la Croisette La Belle et la bête de Jean Cocteau, dont il est le conseiller technique, et Le Père tranquille, une autre chronique de résistance qu’il réalise à la demande de Noël-Noël. Ralliant à la fois le public et la profession, René Clément est sur tous les fronts. Aussi à l’aise dans le choix des décors que dans l’exécution du montage, il s’impose comme modèle de minutie et de perfection formelle. De nouveau primé à Cannes pour Au-delà des grilles (1948), ce "Rossellini français" adoré de la critique italienne, conquiert également l’Outre-Atlantique, qui le récompense de l’Oscar du meilleur film étranger. Dans les années 50, il sera l’un des premiers Français à s’essayer aux coproductions européennes, soucieux de restituer avec précision l’ambiance des pays dans lesquels il tourne : ainsi, sur des dialogues de Raymond Queneau, Monsieur Ripois (1953) mettra en scène Gérard Philipe dans les rues d’un Londres pris sur le vif. Son sens du réalisme, René Clément le mettra surtout au service de l’adaptation littéraire dans des films tantôt traditionnels, tantôt novateurs, transposés avec plus ou moins de fidélité : en 1955 Gervaise, adapté de L'Assommoir d'Emile Zola, épouse parfaitement les visées naturalistes de son auteur tandis que Barrage contre le Pacifique l’année d’après, prend davantage de liberté avec l’univers complexe de Marguerite Duras, au grand regret de cette dernière. Mêlant poésie et réalisme, Jeux interdits est l’oeuvre la plus populaire de René Clément mais aussi la plus dérangeante, qui peint avec ambiguïté le monde de l’enfance plongé dans la noire réalité de la guerre. Soutenu par le thème inoubliable de Narciso Yepes à la guitare, le film (primé à Cannes et à Venise en 52, à Hollywood en 53) se distingue entre autres grâce à l’interprétation admirable de Brigitte Fossey et de Georges Poujouly enfants, révélant par la même occasion la maîtrise de la direction d’acteurs de Clément. Sous son œil avisé, ils sont plusieurs à s’être révélés. Parmi eux Alain Delon, qui connaît un tournant dans sa carrière grâce à son personnage de séducteur troublant dans Plein soleil (1960), attirant notamment le Visconti de Rocco et ses frères. Succès international vu comme le chef-d’oeuvre de son réalisateur, cet incontournable du film policier propose la meilleure adaptation d’un de ses romans selon Patricia Highsmith elle-même, qui le préfèrera à L' Inconnu du Nord-Express d'Alfred Hitchcock. C’est aux côtés d’Alain Delon, avec qui l’osmose est parfaite, que René Clément vivra en outre ses plus belles heures : que ce soit pour Quelle joie de vivre, pétillante comédie sur la naissance du fascisme dans l’Italie des années 20, pour Les Félins (1964), drame psychologique à la fois ludique et cynique mettant également en scène la belle Jane Fonda, ou encore pour Paris brûle-t-il ?, ambitieuse reconstitution de la Seconde Guerre Mondiale. Alors que le premier demeure l’une de ses œuvres les plus méconnues, les deux derniers confirment la réputation dont jouit le cinéaste à travers le monde et notamment aux Etats-Unis où il se plaît de plus en plus à trouver ses têtes d’affiches (Charles Bronson pour Le Passager de la pluie (1969) ou Faye Dunaway pour La Maison sous les arbres (1971)). Éclectique, René Clément alterne sans complexe les superproductions et les films plus intimistes, les œuvres magistrales et les réalisations plus mineures. Héritier d’Eisenstein autant que de Cocteau (à qui il a rendu hommage dans Le Chateau de verre), il s’essaie à tous les genres. Cette variation de style lui sera reprochée par les auteurs de la Nouvelle Vague déplorant à la fois le manque d’unité, de personnalité et le perfectionnisme d’une œuvre dite "sans âme et sans mystère". L’échec de ses derniers films (La Maison sous les arbres, La Course du lièvre à travers les champs et La Baby-Sitter) ne rendra en outre pas justice au travail de ce digne représentant de la "qualité française", virtuose technique en marge des aspirations révolutionnaires de son époque. "Chacun de mes films est la somme de tout ce que j'ai appris auparavant dans tous les domaines", déclarait René Clément. Membre fondateur de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC), ce touche-à-tout sera élu à l’Académie des Beaux-Arts en 1986. Il mourra dix ans plus tard, à Monaco, la veille de son 83ème anniversaire.